Elle s'inquiète de cette manière de plus en plus autoritaire et sans appel de faire disparaître un à un les squats par des interventions musclées. Alors que même le Tribunal Fédéral préférait voir l'affaire Rhino se régler à travers la voie civile, l'attitude du procureur général Daniel Zappelli (qui a publiquement fait savoir qu'une de ses missions principales serait de « nettoyer » la ville de tous ses squats) et le silence des politiques à ce sujet ne peuvent que renforcer cette inquiétude. » (communiqué de L'Usine, 25.07.07)
« Les propriétaires et leurs défenseurs,
le conseiller d'Etat Mark Muller en tête, ont su exercer leur hégémonie
sur le monde politique et judiciaire, en menant le combat sur le plan idéologique.
J'ai été frappé de voir comme on a déshumanisé
les squatters de Rhino, réduits à leur statut de «profiteurs».
C'est un peu la même méthode qu'utilise l'UDC avec les étrangers...
Face aux «bons propriétaires» dont on occulte le rôle
dans la spéculation et les hauts loyers, les squatters sont devenus
les méchants qu'il faut casser. Demain, ce sera peut-être au
tour de l'Asloca et des locataires demandant des baisses de loyer de passer
à la casserole... » (Carlo Sommaruga dans Le Courrier du
25.07.07)
3. Propriété privée versus droit au logement
(re: Rhino) « La presse romande se lâche avant l'heure contre ces «privilégiés» qui logent pratiquement gratis dans trois beaux bâtiments de la fin du XIXe siècle. Une véritable provocation envers les honnêtes gens. Envers cette Suisse qui se lève tôt pour s'acquitter de loyers qui s'envolent toujours plus hors de portée des classes moyennes. Classique retournement de responsabilité! Les vilains, ce ne sont plus les propriétaires qui profitent sans états d'âme de la pénurie pour s'enrichir, mais les quelques individus qui échappent au sort commun du locataire plumé. Peu importe que le «privilégié» vive avec 2000 ou 3000 francs par mois et que le malheureux propriétaire jongle avec les millions. Les braves gens n'aiment décidément pas que l'on suive une autre route qu'eux... » (Philippe Chevalier, Le Courrier du 21.07.07)
« On ne le répètera jamais assez: le logement n'est pas une marchandise comme les autres. Si l'acte d'occupation d'immeubles vides est en effet illégal sous notre législation, nous pouvons nous poser la question de sa légitimité. Notons qu'il n'en a pas toujours été ainsi: en Angleterre jusqu'à la fin des années 80 par exemple, c'était de laisser un immeuble vide qui était illégal! Rappelons surtout que dans tous les cas d'occupation d'immeubles - et Rhino est peut-être l'exemple le plus éloquent- les appartements ont été vidés de leurs locataires en vue d'opérations immobilères lucratives. Le droit au logement est un droit vital et inscrit dans la constitution. Lorsque le droit à la propriété privée justifie la spéculation immobilière en pleine période de crise du logement, il devient un droit problématique, pour ne pas dire scandaleux dont tous les locataires font les frais. La légalité, on le voit bien ici, n'est pas forcément l'expression du bon sens et des valeurs les plus élevées. » (Lettre ouverte de Marie Jeanson, Le Courrier et la Tribune du 27.07.07)
« Bien sûr, par principe, les squatters
violent le droit à la propriété. Tout comme les bailleurs
(certes pas tous, mais ils sont malgré tout légion) foulent
au pied le droit du bail et s'asseyent sur le droit au logement en participant
à la spéculation immobilière. Rappelons tout de même
que lorsque ce fameux 9 novembre 1988, 50 personnes ont investi Rhino, celui-ci
avait été laissé volontairement vide depuis dix ans à
seule fin de faire monter les prix. A cette époque, un immeuble pouvait
se revendre deux fois dans la même journée au double du prix
initial. Au paroxysme de ce délire spéculatif, les créances
sur le bâtiment de Rhino sont montées jusqu'à environ
20 millions de francs selon l'avocat du propriétaire actuel (32 millions
de francs selon Rhino). Puis la bulle spéculative a explosé,
et avec elle les propriétaires des immeubles de Rhino, - parmi lesquels
un célèbre failli dénommé Jean-Pierre Magnin.
Michael Schröder finira par récupérer les hypothèques
du bâtiment contre 2,6 millions, grâce auxquels il a depuis acquis
la propriété. Une bouchée de pain, pour trois immeubles
qui en valent, au bas mot, le double ou le triple. Sans la ténacité
- ou l'obstination, c'est selon - des squatters, le bon Dr Schröder aurait
fait une excellente affaire. Une autre fois peut-être, on ne va pas
se lamenter sur son sort. »(Philippe Chevalier, Le Courrier du
21.07.07)
4. Le bail associatif: mode d'emploi (projet Rhino)
Le bail associatif, qui est un contrat de bail signé entre un propriétaire et une association, sans passer par une régie, permet aux habitants d'avoir leur mot à dire sur la gestion de leur habitat (travaux de rénovation, entretien, création d'espaces communs et d'espaces publics, etc)
Il prône des loyers réellement bon marché. Le loyer doit être équivalant au coût d'entretien et des frais courant de l'immeuble et rien d'autre, surtout si l'objet en question est amorti depuis longtemps.L'autogestion va dans ce sens, la responsabilité de chacun, le travail fourni (participation aux travaux, conciergerie) permettent de juguler les frais.
Il favorise un art de vivre basé sur la cohabitation, le partage, l'autogestion et la responsabilité plutôt que sur le confort et l'individualisme. Les économies réalisées grâce au partage des frais permettent à chacune et chacun d'utiliser ses ressources pour des projets artistiques, humains et personnels.
Ce genre de projet à déjà fait ses preuves (surtout en Suisse alémanique mais aussi l'Ilôt 13). Ces lieux sont souvent cités comme modèle écologico-social (visites guidées d'architectes, d'écologistes et reportages télévisés y sont fréquement organisés).
5. La Cave12 : carrefour international des musiques
expérimentales et improvisées
Depuis les travaux de l'hiver 1989, date où la Cave12 s'est affirmée
comme scène des musiques expérimentales (c'est donc sans compter
une année de concerts rock à un rythme effréné),
elle a organisé près de 650 concerts.
Elle a multiplié les collaborations avec d'autres organisations culturelles:
En Suisse: l'AMR, Soyouz, le Spoutnik, Roaratorio, le Centre
d'Art Contemporain, le Festival Archipel, le KAB, PTR, le ZOO, le CIP, l'AMEG,
Duplex, L'ESBA, la Fête de la Musique, La Bâtie-Festival de Genève,
l'Arsenic à Lausanne, La Rote Fabrik à Zurich, le BOA à
Lucerne, La Case à Chocs à Neuchâtel, la Reithalle à
Berne.
A l'étranger: Les Instants Chavirés
à Paris, le 102 à Grenoble, l'apo33 à Nantes
On pourrait encore ajouter la liste des groupes qui se sont formés
à la Cave12 ou les dizaines d'enregistrements live parus sur différents
labels suisses ou étrangers.
La Cave12 a également produit deux disques: Juliki et Haikus Urbains,
organisé des tournées: Tom Cora (USA), Ne Zhdali (Estonie),
Ikue Mori (USA), Pied-de-Poule (F), Dunaj (Tchéquie), Neatopia (Japon),
etc.
Quelques noms d'artistes d'envergure internationale programmés à
la Cave12...
Tony Conrad, Keiji Haino, Merzbow, Christian Fennesz, Elliott Sharp, Otomo
Yoshihide, Phill Niblock, The Ex, Blurt, Trevor Dunn, Lydia Lunch, James Chance,
Eric Linder (Polar), Adrien Kessler, Les Reines Prochaines, Jacques Demierre,
Vincent Barras, John Duncan, Charlemagne Palestine, Charles Hayward (This
Heat), Eugene Chadbourne, Keith Rowe, Fred Frith, Tom Cora, Evan Parker, Phil
Minton, Fatima Miranda, Peter Kowald, Ikue Mori, Half Japanese, Nicolas Collins,
Zeena Parkins. Certains de ces musiciens ont travaillé avec des personnalités
telles que Bjork, Heiner Goebbels, John Zorn, Robert Wyatt, Brian Eno, Arto
Lindsay, Frank Zappa, l'Ensemble Modern.
... Sans oublier
le projet Juliki et le Cabaret d'Avant-Guerre, tous deux nés à
la Cave12 et avec les habitants de Rhino.
6. pour mémoire...
D'autres lieux associatifs qui font ou ont fait la Genève d'aujourd'hui:
A Rhino encore: Créé en 1992, le Bistr'OK a organisé plus de 500 concerts. Il a servi une cinquantaine de repas à prix modique cinq midi par semaine depuis 1994. Enfin, il a accueilli régulièrement diverses petites ONG pour des forums de discussions et d'information et un grand nombre de soirées de soutien pour des causes diverses des quatre coins du monde.
L'Usine (cinéma Spoutnik, KAB, PTR, Théâtre de l'Usine, galerie Forde, le Moloko, Le Zoo, un studio d'enregistrement, un atelier de graphisme, un atelier de sérigraphie, un laboratoire photo, un salon de coiffure, un magasin de disques et des ateliers d'artistes - www.usine.ch)
Artamis (théâtre Le Galpon, l'Etage, le Shark, le Piment Rouge, K-bar, le café Alu, Le Poulpe bleu, Péclôt 13, Kinetik, la radio internet basic.ch, beaucoup d'ateliers d'artistes et d'artisans)
Ancienne Usine Kugler (env. 150 ateliers d'artistes et un espace d'expositions - www.espacekugler.ch)
L'Ilôt 13 (La Buvette, l'Ecurie, la Trocante, LO'13'TO, la maison des habitants et ses cours de chant, danse,etc., l'espace Milkshake agency, des ateliers, etc) - www.darksite.ch/ilot13
L'espace d'arts contemporains Duplex,
La Galerie, Le Pachinko, Le 10bis, villa Tivoli, L'Imprimerie, les boulans,
Planet22, Galerie
Piano Nobile.
Sans oublier les disparus... Théâtre du Garage, Goulet, La Tour,
Bar de la Lune, Fidèle casserole, Kaboulo, le p'tit bar, Chez Brigitte,
Usine Bell, Escobar, Ephémère, Les Terreaux, Le Grenier, Le
Conseil Général, Cave d'Argand, Galerie Coop à Pré-Naville,
Madone Bar, L'Arcade, Le Fiasko, et tous ceux que l'on oublie ici...
Nous pourrions ajouter la liste très longue des artistes et autres personnalités publiques ayant débuté, travaillé, vécu dans des squats; et celle des institutions culturelles et autres organisations ayant eu recours aux squats pour l'hébergement de leurs invités.
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23-07-2007
Lundi 23 juillet 2007 vers 14 heures la police a fait irruption dans les immeubles
de RHINO abritant la cave12 et a évacué tous les habitants,
dispersant de manière totalement disproportionnée (canons à
eau et gaz lacrymogènes) les quelques 500 personnes venues spontanément
apporter leur soutien et manifester leur désaccord.
L'évacuation s'est faite sans avertissement
et sans respecter les procédures juridiques en cours. Nous sommes ce
soir 80 personnes à la rue, mais rien n'est terminé.
La mobilisation est plus que jamais nécessaire; elle continue demain
et les jours suivants.
MERCI A TOUS LES SYMPATHISANTS, AMIS, SOUTIENS DE TOUTES PARTS TOTALEMENT
UTILE! CONTINUEZ A VOUS MOBILISER! CELA NE S'ARRETE PAS LA! TOUT CONTINUE!
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Reportage
Le plus vieux squat de Genève a été évacué
par la police
LE MONDE | 24.07.07 | Genève correspondance
C'est un lieu emblématique de la culture alternative genevoise, presque
une institution, qui vient de disparaître. Lundi 23 juillet, le squat
Rhino (Retour des habitants dans les immeubles non occupés), le plus
ancien de la ville, installé depuis dix-neuf ans dans trois immeubles
d'un quartier chic de la ville et reconnaissable à la corne rouge qui
ornait l'une de ses façades, a été évacué
par la police après quelques violents affrontements en fin de soirée.
Quatre-vingts personnes, dont dix enfants, y vivaient. Les lieux abritaient aussi un bar et une petite salle de concerts, la Cave 12, réputée dans le monde entier pour sa programmation de musique improvisée. Le tout géré dans une parfaite quiétude et propreté helvétique. Au printemps 2001, les lieux avaient été visités par Bertrand Delanoë, le nouveau maire de Paris, venu s'informer sur la tolérance genevoise en matière de squat.
La "doctrine" de l'époque, partagée par les autorités politiques et judiciaires, voulait que les squats ne soient évacués que si les propriétaires des lieux étaient en mesure de proposer un projet de rénovation, si possible pour des logements à loyer modéré, et que la justice le confirme par jugement.
Cette époque est révolue. Daniel Zappelli, le procureur de Genève, a ordonné l'interpellation des occupants de Rhino - une vingtaine de personnes présentes sur les lieux - sans jugement d'évacuation, sur la base d'une plainte pour violation de domicile et d'un arrêté administratif ordonnant que des travaux soient effectués dans les bâtiments.
Depuis son élection en avril 2002, M. Zappelli se félicite d'avoir fait passer le nombre de squats de 122 à 27, alors que Genève souffre d'une grave pénurie de logements. Les milieux de l'immobilier et la droite applaudissent, eux, au retour "du respect de la protection de la propriété". Une partie de la gauche socialiste, autrefois solidaire des squatteurs, s'est ralliée à ces arguments.
Voilà quinze jours que les habitants et sympathisants de Rhino craignaient une telle issue, après que le squat voisin de La Tour eut été vidé, le 10 juillet, de ses occupants. Leur avocat, Pierre Bayenet, dénonce une "opération scandaleuse et illégale", menée alors que des procédures étaient pendantes. Les squatteurs s'étaient adressés au tribunal des baux et loyers afin de faire reconnaître l'existence d'un bail tacite après dix-neuf ans d'occupation. "Durant cette période nous avons investi 1,5 million d'euros dans des travaux d'entretien et rénovations", explique Maurice Pier, porte-parole du collectif Rhino.
De son côté le propriétaire des lieux avait obtenu un permis de construire. A la place du squat, il est prévu qu'une vingtaine d'appartements privés voient le jour à l'automne 2008, loués durant cinq ans à des tarifs modérés. Le propriétaire en disposera ensuite à sa guise. "Il pourra les vendre à 900 000 euros pièce, réalisant une belle opération immobilière", prédit Maurice Pier.
Agathe Duparc
Article paru dans l'édition du 25.07.07
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05-07-2007
Communiqué de presse RHINO - 5 juillet 2007
Juillet-août 2007 : menace d'évacuation sauvage de RHINO
Selon des informations reçues en début de semaine, le Procureur
général Daniel ZAPPELLI préparerait, en complicité
avec le propriétaire Monsieur Michael SCHROEDER, une évacuation
sauvage des habitantes et des habitants de RHINO pour la mi-juillet. Le propriétaire
n'est au bénéfice d'aucun titre ou jugement qui lui permettrait
d'obtenir l'évacuation de manière licite. Au contraire, une
procédure en constatation de l'existence de contrats de baux est pendante
par-devant le Tribunal des Baux et loyers, ce qui prévient toute évacuation
légales tant qu'une décision à ce sujet n'aura pas été
prise.
Par ailleurs, le Tribunal fédéral avait clairement indiqué
que la voie à suivre pour obtenir l'évacuation des immeubles
de RHINO était la procédure civile, que le propriétaire
a d'ailleurs engagée, mais qui n'a pas encore aboutie.
L'opération devrait se dérouler de la manière suivante:
dans un premier temps, la police arrêtera les habitants, en prétextant
du flagrant délit de violation de domicile. Une fois l'immeuble vidé,
les représentants des propriétaires, accompagnés d'un
huissier de justice et d'une entreprise de déménagement, viendront
constater que l'immeuble est vide, qu'en conséquence personne n'y habite,
et videront les lieux de toutes les affaires qui appartiennent aux habitants.
Les immeubles seront alors rendus inhabitables (vitres brisées, toilettes
bouchées, plafonds arrachés, etc.) et ensuite surveillés
par une société privée de sécurité, cela
afin dâéviter que les habitants ne puissent revenir chez eux.
La complicité entre la police, agissant sur ordre du Procureur général,
et le propriétaire, permettra ainsi de contourner les exigences légales
en matière d'évacuation. Le prétexte du flagrant délit
de violation de domicile est tristement risible, en particulier après
dix-neuf ans d'occupation pacifique. Les habitants ont par ailleurs indiqué
par écrit à Madame la Cheffe de la police qu'ils étaient
prêts à se présenter spontanément à la police
ou devant un juge pour répondre des accusations lancées contre
eux. Leur arrestation a donc pour seul but de faire procéder à
l'évacuation de leurs appartements, et aucunement de faire avancer
une procédure pénale.
Ce type d'opération, qui a déjà été utilisé
notamment pour l'évacuation de la maison Blardonne, au 11 Bd St-Georges,
démontre l'immense capacité de nuisance d'un Procureur général
qui se fait l'allié des grands propriétaires fonciers, en toute
illégalité.
Les habitants des immeubles utiliseront tous les moyens possibles pour s'opposer
à cette opération illicite, menée paradoxalement par
le Procureur général, dont la fonction est justement de garantir
le respect des lois dans la République et Canton de Genève.
Nous appelons la population genevoise à manifester son désaccord
à lâégard des méthodes honteuses planifiées par
le Procureur général et de soutenir les habitantes et habitants
de RHINO.